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Champigneulles (Meurthe-et-Moselle)

128 km | 4224m D+

27h01’17”

54ème sur 143 partants dont 76 finishers

Vendredi tout est permis.

Ce week-end, je signe mon retour sur une longue distance ! Déprogrammée 2 ans de suite de par la crise sanitaire, la première édition de l’Ultra-trail Tour de Nancy va enfin se dérouler. Et les récentes prévisions météorologiques plus optimistes qu’en début de semaine dissipent les craintes d’une annulation préfectorale de dernière minute. J’en suis le premier heureux. D’un, pour les organisateurs que j’avais eu le plaisir de rencontrer au cours du montage de leur projet. Puis, surtout et égoïstement, la grande chance de m’aligner sur cet UTTN 125 : l’objectif est le contour de la ville terreau de mes racines familiales, avec tout le craquant et la douceur d’une bergamote.

Plus acidulés seront les bonbons Haribo garnissant ma ceinture Flipbelt (notons le double-placement de produits). Ils achèvent la préparation de mes affaires dispatchées dans 3 sacs, dont 2 qui seront acheminés dans les bases de vie à la piscine de Laneuveville (Km 63, donc avec douches) et à Eulmont (Km 95 avec staff kiné). Tout est In Ze Boite lorsque Vincent vient me récupérer pour covoiturer vers le Grand Nancy ! C’en est presque déroutant de n’avoir rien oublié, même les bâtons que je choisirai au final de laisser dans le coffre !

En route pour l’aventure. Rendez-vous chez Carole et Christophe qui nous hébergent. Ce dernier s’aligne également en tant que régional de l’étape… le parcours passe à une centaine de mètre au-dessus de leur maison. En live, aux côtés de Christophe, Vincent et Cyril qui nous a rejoints, la déchirure de Zverev sonne sa fin de Roland Garros et celle de ma dernière sieste devant la télé (oui je suis un mufle).

Crédits photo : Carole VENERUCCI

Nous filons récupérer nos dossards sur le village de l’UTTN qui est basé au complexe sportif de Bellefontaine à Champigneulles. L’ambiance est très intimiste avec une pasta-party en petit comité où Philippe et Fabien, directeurs de la compétition et des courses, récapitulent le programme qui nous attend demain. On y retrouve Olivier, Ludo et Catherine, et Geoffrey.

De retour au camp de base, Carole est top cheffe et lance une cuisson de pâtes pour nous rassasier. Ce, avant qu’on ne profite du confortable Divan pour une dernière recharge des batteries. Au sens propre comme au figuré : extinction des feux une fois assurés que nos frontales seront bien opérationnelles pour les longues heures de balade de nuit à venir !

Dring dring l’alarme. 2h30. C’est l’heure de se lever, c’est l’heure du petit déjeuner. A chacun de dire son t(r)uc (nouveau placement de produit pourrave). Parole d’expert, Christophe, Vincent et moi éliminons tous les 3 la poche à eau pour garder au départ 2 flasques de 50cl remplies et une 3ème vide dans le sac. Je glisse un p’tit bifton dans la goyotte (mot de patois lorrain pour décrire la petite poche zippée généralement inutile d’un sac Slab salomon), histoire de pouvoir acheter la part de tarte au flan qui nous fait déjà saliver ou un pâté lorrain au hasard d’un commerce situé sur notre parcours urbain.

L’émetteur de télévision du plateau de Malzéville ne sera à notre portée que vers le 75ème km, souhaitons qu’il nous véhicule de bonnes ondes avant.

Le parking est déjà bien saturé, contrastant d’avec hier soir. En effet, il y a beaucoup plus de monde et je retrouve ainsi pas mal de connaissances issues de précédents épisodes traillesques : les Mussipontains, l’Ultra Fred (fan de ma bétaillère), l’Altra Mickael….

C’est l’heure de vérité. Le départ. Il est 4h du matin. Se fixer le prochain ravito comme seul objectif avant de s’en projeter un nouveau, l’un après l’autre, 8 au total dont les 2 bases de vie.

Crédits photo : Xavier Waerzeggers Studio

Le peloton se lance dans une petite boucle boisée avant de quitter cette jolie zone résidentielle de Champigneulles pour entrer dans la forêt. Il y a des photographes qui me surprennent ; je n’ai pas encore allumé ma frontale, me laissant guider par les 139 autres faisceaux de lumière qui ont aussi pris le départ.

Crédits photo : Eric DUBOIS / L'Est Républicain

Sur la montée bitumée, faisant un peu de zèle alors que la plupart ont déjà choisi de marcher en montée, je rattrape Christophe. Le balisage est constitué exclusivement de pancartes enrichies de bandes réfléchissantes sur les secteurs prévus d’être empruntés la nuit. Il faut alors être vigilent au changement de direction pour éviter de se retrouver hors champ !

A un carrefour se sépare la destinée des autres épreuves de l’UTTN d’avec la course Reine (dixit ce qui écrit sur le dossard, référence à la « Reine des bières » brassée ici à Champigneulles et offerte en lot d’accueil). Je positive, Christophe connaît le tracé par cœur, et on file donc naturellement à gauche. On interpelle ceux qui sont parti à droite et qui nous entendent, hélas les TGV se rendront compte de leur erreur d’aiguillage quelques hectomètres plus tard. Il n’y a pas qu’avec la SNCF que c’est possible !   

(Ajoutée en post-production !)

On a alors l’impression d’être en tête de course. Je préfère laisser filer Christophe pour ne pas me cramer trop vite et éviter d’être la star du Magazine de la santé spécial acide lactique !

Quelques centaines de mètres plus tard, je rappelle Christophe qui est parti tout droit. Faut dire qu’en mai, la végétation a fait ce qui lui plait : même pour les athlètes locaux habitués des lieux, dans cette ambiance night-club, c’est parfois rendez-vous en terre inconnue. 

Christophe me distance naturellement, je ne le reverrai plus avant un long moment. Le fil d’Ariane sera une ligne haute tension qu’on coupe et recoupe, la luminosité grandissant à l’aurore d’un somptueux jour de fin de printemps.

Parfois on passe dans des tunnels végétaux, les chemins sont ludiques, et les plus larges sont devenus monotraces marquées dans les grandes herbes. Des racines et des ailes ! J’opte pour une foulée légère et économe. Attention à la marche, je dois doubler de vigilance pour ne pas trébucher et casser la baraque. Justement, nous y voilà, à proximité « des baraques ».

Fabien est dans la place (mais pas encore Place Stan, départ de l’UTTN 70 la nuit prochaine). En voiture sur l’A31, c’est un spot où l’on peut facilement se faire flasher, aujourd’hui pas de risque avec mon allure Tortue ! Les Tortues Ninja rêveraient de pizza mais ce n’est au menu de ce premier ravito : Coca, Tuc et compagnies carrément appropriés sont servis par de joyeux bénévoles avec la banane et avec le remplissage des flasques. Royal, ou plutôt Ducal.

Crédits photo : Xavier Waerzeggers Studio

Nous sommes dans la forêt domaniale de Haye. Passage au pied du Gros Charme, un arbre remarquable qui ouvre une voie expresse forestière ! Je cavalcade mais pas d’envolée lyrique. Histoires naturelles, c’est le risque de finir comme une V(ieille)HS. Au mieux 5’30 au kilomètre pour faire une « avance rapide » et faire fondre les kilomètres. A défaut de marron glacé, le but est d’atteindre Maron tout court ! Ça passe crème jusqu’à ce virage à angle droit. Il calme le game en amorçant le premier muret de la journée. Je monte tranquillement tel le tyrolien du Juste Prix. Se surestimer m’éclipserait précipitamment du jeu. C’est là que Ludo me récupère, en forme malgré sa fausse piste du départ qui l’a pénalisé.

Olivier me double à son tour, au rythme soutenu, et lui a carrément 2,5 kilomètres de rab….

Mon corps évite la surchauffe tel un disjoncteur d’un faible ampérage déjà usé pour pouvoir l’échanger à l’Entrepôt du bricolage !

Je m’offre une micro-sieste pour fêter le semi-marathon déjà parcouru : le passage furtif de Mickael tel Big Brother y met fin et en souligne la durée de 6 minutes !

Sur ma droite, à quelques mètres de mes pieds, c’est le vide. Nous devons être aux falaises calcaires de Maron. Je contemple alors cette vue très inspirante en 16/9ème sur la Moselle à travers les arbres. Jean-Marc me double à ce moment. 

Nous empruntons alors un single taillé parfois dans la pierre. Le photographe Xavier Waerzeggers y fera de remarquables clichés.

Crédits photo : Xavier Waerzeggers Studio

J’atteins l’ancienne gare de Maron après quelques kilomètres à l’allure modeste. Km28. 3h54 de course. Un train peut en cacher un autre. 

Mais surtout, des trains pas comme les autres : Jean-Marc est sur le départ, Cyril arrive. Fred est dans le hall.

Je repars repu après m’être goinfré dans les quartiers d’orange même si on est toujours dans les faubourgs de Maron.

Passage dans les rues du village, typiques avec leurs maisons lorraines, pour mieux rejoindre les hauteurs entre vergers et jardins. On comprend immédiatement qu’il va fait très très très chaud lorsque le clocher pointant à peine 9h, la piste réverbère déjà la chaleur. 40 degrés à l’ombre de Lacroix, prédirais-je si ma langue fourchait.

Dans un virage, 2 habitants bricolent dehors. L’occasion de faire ostensiblement une microsieste sans qu’un chauffeur de salle alerte la terre entière d’un gars à terre ! Je configure l’alarme pour dans 6 minutes (copyright M6)… et m’assurer un réveil sans décharge d’adrénaline (j’avoue ne pas avoir testé la clôture électrique voisine spéciale traileur sauvage).

J’envoie ensuite un message à Vincent pour indiquer ma position, et bim, coïncidence le voilà ! Nous continuons l’aventure ensemble. Chaligny et son lavoir permettent la recharge sauvage de nos flasques déjà bien entamées malgré les compléments effectués aux ravitos. Un saut de puce dans la forêt et…. re-Chaligny. Nouveau lavoir. Comme un replay !

Puis un joli détour dans la forêt sur les traces des miniers de fer. Pas de secrets d’Histoire. Les pancartes explicitent le caractère hostile du terrain de jeu ! Citons par exemple, un p’tit dré dans le pentu pour grimper la « Descenderie » empruntée jadis par les wagons.

On essaye de se relancer sur le plat. Et dès que le faux plat aspire à du D+, on marche ! C’est Motus et bouche cousue : on s’économise pour aller le plus loin. La peur de la boule noire !! Bzzz bzzz sur la montre connectée : coup de fil effet booster de Lison qui m’envoie ses encouragements à J-7 de son nouveau défi au St-Jacques. Rayon coquillage, ce samedi je serais plus à la recherche de carburant chez Shell pour éviter de caler. On oublie l’idée : la station-service boulevard Albert 1er est définitivement fermée et ça serait un sacré raccourci pour rejoindre Champigneulles !!!! Et pis, on a trouvé du Super Soleil de plomb.

Des chiffres et des lettres : V comme vicieux à la place du L de lucidité. Kilomètre 46. On arrive cette fois à ChaVigny. La vue sur la moyenne Moselle est superbe. Il faut descendre dans le village pour remonter vers la salle des fêtes : le ravito est installé sous les tentes devant. Ludo abandonne, il n’arrive plus à s’alimenter. On retrouve Geoffrey.

Je me surprends à apprécier la boisson énergétique proposée (merci Nutribay.com), dosée comme il faut et agréable en bouche (NDLR : non vous ne regardez pas le téléshopping). Mais il est temps de repartir (et rester) sur les chemins.

Messein approche. Notre dessein aussi !

Sa base de loisirs ferait un bon lieu de tournage de Sous le Soleil ! Mais non, c’est coupé au montage, on n’ira pas si loin, et d’ailleurs, c’est la dernière fois qu’on reverra la Moselle de jour ! Les règles de sécurité routière sont rappelées à chaque traversée de rue avec des petits panneaux humoristiques…. à faire rire jaune les coureurs déboussolés qui perdraient le sens de l’humour noir. Dessinez c’est gagné ! Enfin ça permet de rester en vie et surtout en course !

A la sortie du village, Vincent, en envoyé spécial, a le réflexe de chercher le robinet salutaire du cimetière. De quoi se revivifier. Le tour de cou Ceramiq humidifié régulièrement sous la casquette m’assurera la protection contre tout coup de chaud. On poursuit sur un chemin 4×4 digne de la piste de Xapatan, mais sans le cavalier noir pour nous piquer les flasques pleines. Traversée de voie ferrée presqu’au galop. On trotte sans dérailler, mais au moindre faux plat montant, on tire le signal d’alarme ! 

On crapahute vers la lisière de forêt avec un sentier entre les parcs. C’est une nouvelle bouclette dans les bois avant un plongeon sur Ludres. Et son lavoir !! Je plonge littéralement la tête dedans. 

En me relevant, ce n’est pas une hallucination : surprise sur prise, mon Pâpaaa et son assistance canine sont là, Slam en premier. C’est presque 30 millions d’amis quand on redescend vers l’église : mon oncle JP, ma cousine Sophie qui s’étaient annoncés par texto au 30 10 10 et ma Môman se sont rencardés ! J’échange quelques mots avec mon super fan-club !

Crédits photos : Jean-Pierre LACROIX

Vincent prend un peu d’avance, je le retrouve dans le bas de Ludres, quartier un peu plus agité par sa situation à proximité des zones de chalandises. La traversée de route est sécurisée par des valeureux bénévoles qui ont de quoi suer comme des échalotes dans un Cauchemar en cuisine. On les applaudit pour leur dévouement.    

Direction Fléville avec un segment annoncé et assumé « crados » par l’organisateur mais incontournable si on ne veut pas que ce grand tour de Nancy s’élargisse en poussant vers le sud et ne s’éternise comme un concours de l’Eurovision. Bon, perso, je serai fan 2. Nous longeons donc l’A330 : ses soubassements seraient dignes d’un numéro de D’art d’art ! J’adore. Les tags se hashent sur les grafs et devant nous, un alignement architectural imprimerie de l’Est Républicain / Tour Thiers. On joue aux chats et la souris avec une coureuse sur ce tronçon.

C’est pas le But mais on passe derrière Alinéa. Et on arrive enfin au stade de Fléville. Pur hasard, on tombe sur mes parents en train de pique-niquer, on choppe quelques victuailles comme un semblant de triche dans Koh Lanta ! Mention pour la madeleine de Proust de Liverdun qui fait rejaillir quasiment 40 ans de souvenirs.

Aux courts de tennis, des joueurs s’exposent en plein soleil. Faut vraiment être c*ns pour faire du sport sous ce cagnard de début d’après-midi. L’hôpital qui se fiche de l’infirmerie ! De circonstance, Michel Berger chanterait qu’il s’en irait dormir dans le paradis blanc (ici on peut rire de tout). Fa Si La chanter, continuant sur la piste cyclable, on retombe sur Geoffrey qui sort d’une sieste ombragée ! On repart tous les 3 vers la piscine de Laneuveville.

Aïe. Vincent avec toute sa tête et les jambes, s’est arrêté à l’idée de s’y arrêter. Dans l’idée de le retrouver à la base de vie, je prends un peu d’avance. Je relance alors avec Geoffrey le long du canal, passage au parfum de déjà vu lors du semi-marathon de Nancy du printemps 2018. Ma rare assiduité aux entraînements de l’année paye et me permet de maintenir une allure correcte. Je retrouve mes parents à l’entrée de la piscine. Splash ! Ma maman a les yeux humides, bien qu’éloignée du bassin ! 

Crédits photo : Dominique LACROIX

10h38 de course.
Je retrouve Christophe qui cogite sur la suite de sa course et Cyril qui se ravitaille plus sereinement. Ludo est aussi présent et a retrouvé du peps aux côtés de sa femme. Je file au plus vite à la douche pour être un homme neuf. C’est du propre. 

Ensuite, aux côtés de Vincent qui ne changera pas d’avis, je m’avale une délicieuse barquette de pâtes au beurre – gruyère de l’organisation, digne de la cuisine des Mousquetaires.

Crédits photo : Dominique LACROIX

Stade 2. Comme un nouveau départ. Une nouvelle course.

Le moment de repartir seul. Je franchis une passerelle au-dessus de la Meurthe avec une superbe skyline sur Nancy que j’immortalise. Le premier panoramique sur la capitale de l’Art Nouveau. Tel le Nouveau né de Georges de la Tour, une femme avec son landau me dit que c’est plutôt la Chartreuse de Bosserville que je devrais capturer. Y’a pas photo.

J’enchaîne avec un coup de fil à ma Chérie qui joue la miss météo : orage en instance dans les Vosges. Ne pouvant faire correctement 2 choses en même temps, je rate par inadvertance la bifurcation avant le cimetière et m’offre un petit bonus de bitume. 

Le secteur qui s’annonce est très sympa avec un parcours en forêt au sud du golf de Pulnoy. Presque 18 trous de mémoire, je me souviens d’avoir raté encore une pancarte et d’avoir dû utiliser le joker « coup de fil à une appli » : je pioche la solution pour la première fois depuis la départ en lançant Visorando qui combine la trace GPX fournie par l’organisateur et le fond de carte IGN. Mieux que la carte aux trésors. 

Nouvelle remi-niscence avec un banc au milieu de la forêt, le must pour une microsieste grand confort avant d’entrer dans la ville de Pulnoy.

Un bénévole m’annonce « aller jusqu’au rond pont puis à gauche». En ce samedi après-midi, j’arpente des rues aux maisons individuelles désertes. La température est digne de la piste du Dakar. Je discerne les lettres sur le bâtiment dudit rond pont. « B O U L A… ». Hourra, ce n’est pas une maison de quartier, une médiathèque, que sais-je…. Mais belle et bien « la meilleure boulangerie de France ». La vitrine est emplie de délices gourmands… mais sur le coup, je ne suis pas un tire-au-flan(c) et mon besoin se pose honteusement sur le contenu du frigo : un ice-tea pastèque menthe, une bouteille d’eau… Et preuve qu’il ne s’agit pas d’un mirage, j’ai aussi un Oasis dans les mains ! Quelques mots délicieusement échangés et c’est reparti… Allez hop, on y va vers Cora, en route pour l’aventure, à l’appel de Banga.

Vers Essey, je passe ainsi derrière « le Cora », l’autre course du week-end pour certains (en matière de télé, ils en connaissent aussi un rayon). Je tombe sur l’ami Eric, on échange quelques mots, preuve de notre clairvoyance.

Je relance lorsqu’on quitte Mouzimpré (terminus des randos roller du vendredi soir d’un ancien temps) pour le centre-ville ; des bénévoles viennent à nous et rechargent en eau sur le trottoir. A l’attaque de la Butte Sainte-Geneviève. C’est maintenant qu’il s’agit de remettre l’antenne au milieu du plateau  !

Plus haut, une spectatrice attend son coureur. Je lui explique et préviens que je vais faire une énième microsieste, profitant de cet endroit propice avec son petit filet d’air. Eric repasse. Tel un fabulon, je repars et retrouve sur quelques dizaines de mètres le sentier que j’avais parcouru en off en janvier 2021 sur les traces de mon enfance. 

J’arrive péniblement sur le haut du plateau, Eric est pétri d’ampoules. Je lui lâche mes indestructibles Xsocks que j’avais dans le sac en cas de moins bien. Désolé, ces chaussettes ont des kilomètres dans leurs mailles, mais peuvent sauver le soldat Eric. Hélas la fin de son film aura été autre. 

J’arrive sur Dommartemont, m’égare ; je redescends, et remonte. Je m’attends à profiter d’un belvédère, mais ce sera plutôt un labyrinthe de plus en plus fréquenté de promeneurs jusqu’à arriver au restaurant IOA. Cyril me donne le témoin de relais, quittant ce ravitaillement tant attendu quand j’y parviens.

Le lieu est bucolique, peuplé avec des bénévoles, des accompagnants. Une belle ambiance estivale. Une bénévole propose gentiment une petite douchette au tuyau d’arrosage, prémices d’une deuxième partie de course plus rock n’roll pour tutoyer le Top 50 ! Recharge des flasques, je me pose quelques minutes pour me revigorer. 

Je m’apprête à repartir quand je surveille mon téléphone. Un SMS de mes cousines vient de tomber : elles me disent pouvoir être là à 18h25, il est 27, je relève la tête et elles se trouvent face à moi. Quel booster. La famille en Or.

Je repars sur mon petit nuage, celui qui n’a pas produit d’ombre de la journée. Tellement que je ne trouve pas la piste… et m’y reprends à plusieurs fois.  

Jolie vue panoramique sur l’agglomération avec en point de mire le Haut du Lièvre identifiable par la Tour des Aulnes. Toujours debout, le bonhomme comme la tour dont la destruction est annoncée pour 2024.

La grande antenne n’est pas loin, et va servir d’aimant géant pour les 3 heures à venir. En effet, je redescends par Dommartemont, longe le contournement de Malzéville pour mieux le quitter.

Je me trompe énormément en redescendant vers le centre-ville de Malzéville à pas d’éléphant alors qu’il fallait aller au droit de l’église. Les villas sont sympathiques : il ne manquerait plus qu’une odeur de barbecue et un bassin pour mettre le clignotant, ou mieux encore une maison à vendre. Je m’en retourne embrasser de nouveau la dame d’acier.

Ca zig-zag, ça monte et ça descend comme des montagnes russes. Je m’égare et ne vois plus de rubalise. “On” jardine car un coureur est à mes côtés et je ne lui suis donc d’aucune aide. On entend des coureurs en contrebas. La trace sur mon smartphone me raccroche au balisage en lisière. C’est reparti. Je préviens Fabien par téléphone pour que le PC course ne se transforme pas en standard SVP !

Le chemin s’élargit. Je dois être sur cette jolie lisière qu’on pouvait admirer depuis chez Carole et Christophe la veille. Direction Eulmont et sa base de vie. Mais un ultime single me replonge dans la forêt, vers l’antenne et restreint mes ardeurs.

Sacrée soirée. Je finirai par ressortir de la forêt avec Eulmont face à moi, et au premier plan une terrible chemin carrossable menant au contournement du village. La descente fracasse les jambes, j’ai l’impression qu’un marteau me tape l’intérieur du genou droit à chaque pas.

Au rond-point, les bénévoles pointent du doigt la base de vie au gymnase. Allez encore un peu d’NRJ pour gérer la modulation de fréquence. On ravale en D+ l’équivalent du D- et ayé base de vie. Les Champs Elysées ! Vincent est là, il s’est refait la cerise : il va assurer comme un champion et faire mon assistance. 

17h45 de course. L’intérieur du gymnase est étouffant, je ressors immédiatement et me pose au frais sur la terrasse. Vincent va me chercher le tup’ de pâtes que j’avais mis dans mon sac de délestage. L’orga sert du riz mais j’ai trop peur d’en faire un gâteau plus tard. Yabon mais y’a des limites ! On va pas sombrer dans le gore(tex) non plus ! J’assiste à diverses arrivées intermédiaires dont celle de Geoffrey.

Crédits photo : Vincent THIRIET

Vincent me file sa batterie portative car je sens qu’il n’y a pas que le bonhomme qui est vidé !

Crédits photo : Vincent THIRIET

J’ai hâte d’un p’tit massage de regénération, d’autant plus si ça peut m’enlever cette idée idiote de mal de genou. Comme prévu, pas de douche ici, c’est pas très glam pour l’équipe de bénévoles : mes jambes passent rapidement entre les mains magiques de Clém qui m’offre une seconde jeunesse. Je m’offre un petit somme en Meurthe-et-Moselle. On est pas couché. Bah si…. un coureur me dit de prendre le lit de camp qu’il laisse vacant. Certainement trop luxueux. Je rouvre les yeux en phase avec l’alarme mais les aiguilles n’ont pas cessé de tourner pendant cette absence. Il est déjà 23h25… Pas le temps à 90 minutes d’enquête pour cause de barrière horaire ! Christophe est là dans le doute mais saura repartir lui aussi un peu plus tard.

Je m’allège ! Silence ça pousse. Désolé, seul le sucre raffiné est proscrit, pas les blagounettes. D’ailleurs, pour tout vous dire, c’est plutôt sur les 18 kilomètres à venir que je vais en chier grave.

Pour le moment, de l’orage annoncé, on en voit juste la couleur. Magiques sont ces éclairs de chaleur qui illuminent le ciel. Un feu d’artifice grandiose dont beaucoup seront privés cet été ! Le village d’Eulmont se met sur son 31.

Je repars tout fringuant. Pas très loin une traileuse est accompagnée par son bonhomme. A peine quelques centaines de mètres dans le village tombé dans l’obscurité, on s’égare. Une flèche semble avoir fait 180° avec le risque de partir dans l’envers du décor. On reprend la bonne voie par le calvaire en limite de forêt. C’est le début d’un chemin de croix qui me mènera au Jour du Seigneur : je lâche le tandem et double assez aisément un autre grupetto. Humm, quand les voyants sont trop verts ça craint. Il y a même des supporters dans le village à cette heure, c’est incroyable. C’est Fun.

Je vois une ligne de frontales telle une trainée de satellites starlink qui bugue en lisière de la forêt en Haute-Lay. Tiens c’est encore Geoffrey et un acolyte. Tiens, c’est par là voyons ! Mais l’euphorie retombe très vite et je ne parviens pas à leur coller aux baskets. Ils me seront bientôt perdus de vue. Le parcours quitte le large chemin pour un premier raidard et mieux redescendre le talus quelques centaines de mètres plus tard. Si pentu que je ne peux pas courir. 

Et ce fourbe et soporifique exercice va se répéter plusieurs fois, ce sont les quatre à la suite. Questions pour un champion ? Je me deale une microsieste pour récompenser chaque montée effectuée et me projette une image positive que la forêt brumisée ne parvient pas à estomper. Les gouttes de pluie évitent au moteur de cramer, même si le turbo s’est évaporé depuis longtemps. A la 3ème microsieste, faut pas rêver, je suis contraint d’enfiler ma veste, la pluie s’intensifiant. Je me noie dans la programmation de l’alarme en optant pour le vibreur seul. Ouf, je suis tout de même réveillé 6 minutes plus tard, à l’écart du sentier où je m’étais protégé pour ne pas être dérangé. Il me reste environ 10 bornes pour rejoindre le prochain ravito, c’est si peu mais la montre semble égarée dans une faille spatiotemporelle où les chiffres des hectomètres s’égrenent difficilement. Les parcelles de forêt sont toujours étiquetées « Forêt de Lay ». J’ai l’impression de m’auto déposer sur place. Dernière microsieste : une frontale revient sur moi et sonne le glas de cette léthargie trailesque. Je m’imagine que c’est le serre-file. J’interpelle l’individu qui m’assure que non. Je prends mes pattes à mon cou et repars de plus belle. Sur le beat de mes pas lourds, la Dancemachine repart. Je préviens ma cousine Delphine que les pronostics horaires sont down.

E=M6 ou plutôt m=t-110, l’équation est résolue en atteignant le poids de forme. Sur le fond, à présent la course pourrait s’avaler sans fin. Le chemin quitte la forêt, passe au milieu des champs (de bataille) et donne directement sur Custines. Good morning America, euh A31 ! Direction l’aval de la Gueule d’Enfer pour enjamber la Moselle (confluence d’avec la Meurthe, ça ne s’invente pas) puis sa dérivation canalisée. L’entre deux ponts est industrialisé et la cadence soutenue (oui, enfin presque) permet de vite atteindre le ravito.

Sous sa tente luttant contre la flotte, le jovial bénévole aux manœuvres me remplit les flasques. L’ironie. Mais quel sacerdoce, d’autant que sa nuit se poursuivra avec les coureurs de la « Roi Stan » (l’épreuve de 70 kilomètres de l’UTTN), qui bénéficieront aussi de ce havre. Une accompagnatrice attend désespérément son conjoint de coureur. Il doit s’agir du « pseudo serre-file » que j’estime à 5 minutes derrière moi. Il finit par arriver quand je redécolle.

Le parcours repart dans la forêt pour manger une petite grimpette et redescendre presque illico presto ces 100 mètres de dénivelé menant sur Pompey. Je ne sais quelle direction prendre alors je reviens m’assoir à l’arrêt de bus. Tel Forrest Gump, avec des amandes en poche à la place d’une boîte de chocolats ! Abrité des gouttes, je consulte la trace sur le smartphone waterproof (ouf) qui m’indique de rejoindre les rives de la Moselle. Vas y cours Forrest, cours ! Je longe ainsi le bâtiment du siège de la comcom. J’arrive à proximité d’un pont, les signaleurs m’indiquent de le traverser pour rejoindre Frouard. Rive gauche / rive droite s’il fallait parodier un noctambule du paf.

Petit dédale dans les rues et ruelles pour monter sur les hauts de Frouard et conquérir son fort. Je foncerai (notion toute relative, entre 6 et 8’ au kilo….)  sur ces 10 dernières bornes. Le temps redevient clément.

Plus de secret d’histoire avec la visite de la Batterie de l’Eperon au p’tit matin, ouvrage de Seré de Rivières à l’instar du Parmont à Remiremont. En prime, elle accueille l’ultime ravito. Thé ou café ? Je ne m’y attarde que quelques secondes malgré toutes les victuailles aux allures de marche gourmande ! 

Restons sur les sentiers, les terrains autour sont militaires. Zone interdite !

Go go go, lâchons les chevaux comme ils diraient sur Equidia. Je rattrape 2-3 coureurs sur ce segment qui emprunte de beaux sentiers pour regagner le complexe sportif de Bellefontaine. On se relance dans le dernier kilomètre avec un dernier coureur. Sans aucun doute, l’arche d’arrivée est en vue ! Vincent est sur le pont, tout comme ma cousine Delphine revenue spécialement, et avec Julien, speaker au micro.

Crédits photo : Delphine NANTET

Anecdotique 54ème place comme un signe du département qui nous a accueillis ! Geoffrey sera arrivé 3 minutes avant… !

Philippe passera en contrebas de l’aire d’arrivée, point de passage de la première boucle du 70 qu’il court.

Je rends ainsi l’antenne après 27 heures inoubliables que tentent de matérialiser la superbe veste finisher #bodycross et la jolie médaille locale reçues.

Sappé comme jamais ! Mais surtout j’abuserai comme jamais avec un massage regénérateur de Clém qui me permettra d’être sur pattes dès le lendemain pour de nouvelles aventures.

Je remercie tous les bénévoles réunis autour du Club Athlétisme Champigneulles pour la réussite de cet événement ! Dévoués et passionnés !

Merci spécialement à Carole, Christophe -finisher à son tour- pour leur chaleureux accueil, et à Vincent. 

Merci aux supporters présents sur le plateau ou au téléphone ! En particulier à Delphine et Sophie d’avoir supporter leur cousin vétéran à toute heure du jour et de la nuit. Merci.

J’apprécie l’autonomie dans le trail, mais se savoir suivi donne des ailes (Jim dirait comme la Red Bull). Tellement vrai !

En bon guignol de l’outdoor, je vous dirai juste pour conclure « vous pouvez fermer cette page et reprendre une activité normale ! ».

 

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